J'ai 40 ans et je n'ai pas vraiment gagné ma vie en travaillant. Ne me comprends pas mal : j'ai toujours travaillé. En tant que salariée, entrepreneuse, dirigeante d'entreprise même. J'avais un salaire tous les mois.
Mais quand je regarde mon parcours aujourd'hui, je me dis qu'il y a un truc bizarre : on nous dit qu'il faut travailler pour être riche. Mais connais-tu beaucoup de personnes devenues riches juste avec leur salaire ?
Non, je n'ai jamais vraiment gagné d'argent avec mon salaire, au sens où je n'avais que rarement assez pour épargner sur le long terme.
Les seuls moments où j'ai vraiment eu le sentiment de "gagner de l'argent", c'était quand j'ai vendu mon appartement. Et là, ce n'est pas le travail qui m'a fait gagner de l'argent, mais la dette.
Puis, quand j'ai fait des placements avec la plus-value de cette vente. Et là encore, ce n'est pas mon travail qui m'a permis de gagner de l'argent, mais l'immobilier.
Il n'y a pas, quelque part, une sorte d'arnaque collective ?
Je viens d'une famille (très) modeste. J'ai entendu toute ma vie le discours de la "valeur du travail", de la prudence, du "ne prends pas de risques", du "évite les dettes".
Travailler dur. Économiser. Être raisonnable. Ne pas dépenser. Mettre de côté pour les coups durs.
C'est un récit ancré profondément, transmis de génération en génération, surtout dans les familles ouvrières ou de classe moyenne. Un récit qui nous dit que si on travaille assez, on finira par s'en sortir.
Mais la vérité, c'est que ce récit maintient les gens exactement là où ils sont. Parce que le travail seul n'enrichit pas.
Parfois je me demande : si j'étais née dans une famille riche, quel récit aurait-on construit autour de l'argent ?
On m'aurait sûrement parlé d'investissement, d'immobilier, de rendement, d'indépendance financière… On m'aurait appris à faire travailler mon argent plutôt que de travailler pour l'argent. On m'aurait transmis des stratégies, des contacts, un réseau, un capital de départ pour me lancer.
Mais non. Dans les familles modestes, on transmet la peur : peur de l'échec, peur de la dette, peur de prendre des risques. Et surtout, on ne transmet pas de culture financière.
Parce que l'éducation financière, c'est un privilège de classe.

Je trouve ça dingue qu'on ne nous apprenne pas à avoir une culture financière de base à l'école. On nous apprend des équations, des dates historiques, de la grammaire...
Mais on ne nous apprend pas :
Comment fonctionne un crédit
Ce qu'est un taux d'intérêt
Comment investir
La différence entre un actif et un passif
Comment négocier son salaire
Ce qu'est l'indépendance financière
On nous apprend à être productifs. Pas à être libres.
Et aujourd'hui, je me demande : combien d'entre nous passent leur vie à travailler dur sans jamais apprendre à comprendre l'argent ?
Et puis, il y a un moment dans la vie des femmes où tout se complique encore plus : la maternité.
Parce que devenir mère, ce n'est pas seulement un bouleversement émotionnel et physique. C'est aussi un bouleversement financier.
On parle souvent de "l'écart salarial entre hommes et femmes". Mais on parle moins de la pénalité maternelle : cette baisse de revenus, de carrière, d'épargne, qui touche spécifiquement les mères.
Et les chiffres sont accablants. Selon l'INSEE et l'INED, voici ce qui se passe concrètement pour les mères en France :
L'arrivée du premier enfant entraîne une chute du revenu salarial total de 40% l'année de la naissance, puis une pénalité durable de l'ordre de 30% dans les années qui suivent.
5 ans après la naissance du premier enfant, les mères ont perdu environ un tiers de leurs revenus salariaux. 10 ans après, c'est encore un cinquième de moins.
Pour les femmes aux plus bas salaires, les pertes sont encore plus dramatiques : jusqu'à 40% de baisse de revenus 5 ans après la naissance.
La pénalisation en salaire horaire se creuse au fil du temps pour aboutir à un écart d'environ 20% en fin de période.
L'écart de salaire moyen entre hommes et femmes atteint 22% dans les familles qui élèvent un ou plusieurs enfants. Pour les couples sans enfant, il n'est que de 7%.
Et pendant ce temps, la naissance d'un enfant n'affecte pratiquement pas le revenu salarial des pères. Certains voient même leurs revenus légèrement augmenter.
Au niveau international :
Selon l'OCDE, la pénalité salariale liée à la maternité est en moyenne de 14% dans les pays développés.
Les femmes gagnent en moyenne 16% de moins que les hommes pour une activité similaire à plein temps dans les pays de l'OCDE.
À 42 ans, les mères qui ont un emploi à temps plein gagnent 11% de moins que les femmes à temps plein sans enfant.
Selon PwC (2023), l'écart de salaire entre hommes et femmes dans l'OCDE reste de 14%, et il faudra 50 ans pour atteindre la parité au rythme actuel.
Ces chiffres ne sont pas juste des statistiques. C'est ton indépendance financière qui s'envole.

Si tu es en couple et que tu envisages d'avoir des enfants (ou que tu en as déjà), voici quelques questions essentielles à aborder AVANT que les inégalités se creusent :
1. Comment allez-vous répartir les congés parentaux ?
Est-ce automatiquement toi qui réduis ton temps de travail ?
Pourquoi ? Parce que tu gagnes moins ?
Et si on inversait ? Ou si on partageait équitablement ?
2. Comment allez-vous compenser la perte de revenus de celui/celle qui réduit son temps de travail ?
Transfert d'argent mensuel pour compenser ?
Alimentation d'une épargne personnelle au nom de celui/celle qui réduit son activité ?
Investissements communs proportionnels aux sacrifices de carrière ?
3. Qui paie quoi dans le couple ?
Comptes séparés, compte commun, ou mix ?
Contribution proportionnelle aux revenus ou 50/50 ?
Qui paie les dépenses liées aux enfants ?
4. Comment gérez-vous l'épargne et les investissements ?
Avez-vous chacun votre épargne personnelle ?
Investissez-vous ensemble ?
Qui prend les décisions financières importantes ?
5. Qu'est-ce qui se passe en cas de séparation ?
Oui, c'est inconfortable d'en parler. Mais c'est essentiel.
Comment protéger financièrement celui/celle qui a réduit son activité pour les enfants ?
Pension compensatoire ? Partage des biens ? Reconnaissance de la contribution non financière ?
Parler d'argent dans un couple, ce n'est pas romantique. Mais c'est un acte d'amour et de respect mutuel. C'est reconnaître que les sacrifices de carrière ont un coût réel, et qu'ils doivent être compensés équitablement.
Tu peux aussi faire le quizz "Est-ce que mon couple est prêt pour l'arrivée d'un bébé ?"
Je ne vais pas te mentir : reprendre le contrôle de tes finances quand on vient d'une famille modeste et qu'on n'a jamais appris, c'est un chemin.
Mais c'est un chemin qui vaut la peine d'être parcouru. Parce que l'indépendance financière, c'est aussi une forme de liberté.
Voici quelques pistes pour commencer :
Commence par comprendre ton budget réel (revenus, dépenses, épargne) et les bases de l'investissement (même petit)
Commence à suivre des femmes qui parlent sur ce sujet
Ose parler d'argent autour de toi, surtout en couple
Protège-toi financièrement en tant que mère
Transmets une autre culture financière à tes enfants : très tôt, parle-leur d'argent. Sans honte, sans gêne.
Explique-leur : d'où vient l'argent, comment on le gagne (et pas seulement par le travail), comment on l'investit, l'importance de l'indépendance financière. Offre-leur le récit que tu n'as pas eu.
Si tu veux aller plus loin, je suis Susana, doula, et j'accompagne les femmes qui veulent retrouver leur souveraineté — dans leur corps, dans leur maternité, et aussi dans leur rapport à l'argent.
Parce que tout cela est lié : confiance, autonomie, et pouvoir d'agir.
Si tu es enceinte ou jeune maman et que tu veux préparer ta maternité dans les meilleures conditions — y compris financières —, je t'invite à découvrir me contacter.
Les données sur les inégalités financières liées à la maternité proviennent des sources suivantes :
INSEE - Meurs D., Pora P. (2019). "Égalité professionnelle entre les femmes et les hommes en France : une lente convergence freinée par les maternités", Économie et Statistique n° 510-511-512
Sciences Po - Pora P., Wilner L. (2024). "Dissecting child penalties", Programme PRESAGE
INSEE (2019). "Les trajectoires professionnelles des femmes les moins bien rémunérées sont les plus affectées par l'arrivée d'un enfant", INSEE Analyses n° 48
OCDE (2012) "Inégalités hommes-femmes : il est temps d'agir"
PwC (2023) "Les femmes au travail" (Women in Work Index)
Photos : Chayene Rafaela / Unsplash, Toa Heftiba / Unsplash, RDNE / Pexels.
Ces articles ont vocation à être collaboratifs : si tu as remarqué une erreur ou si j'ai oublié des informations importantes, n'hésite pas à me le dire via le formulaire de contact.